La crise sanitaire déclenchée par la COVID-19 au Québec révèle les inégalités et les injustices qui traversent notre société. Elle constitue un réel test quant au respect des droits humains, incluant le droit de manifester.
En date de mars 2022, le port du couvre-visage n’est pas obligatoire durant les manifestations. Les personnes doivent respecter une distanciation sociale d’un mètre, sauf si elles sont résidentes d’une même adresse, ou si elles reçoivent un service ou du soutien. Il n’y a pas de limite au nombre de personnes pouvant participer aux manifestations dans l’espace public.
Depuis le 23 septembre 2021, une loi est en vigueur pour empêcher les manifestations à moins de 50 mètres du terrain des centres de dépistages, des garderies, des centres de la petite enfance ainsi que des établissements de santé, de services sociaux et d’enseignement de niveau préscolaire, primaire, secondaire, professionnel et collégial. La Ligue des droits et libertés a vivement critiqué l’adoption de cette loi (LDL, 2021).
Au fil de la pandémie, les règles sanitaires encadrant les manifestations ont beaucoup évolué, tel que décrit ci-bas.
Le 11 mars 2020, l’Organisation mondiale de la Santé déclare l’état de pandémie de la COVID-19. Puis, le 13 mars, le gouvernement québécois déclare l’état d’urgence sanitaire pour une durée de dix jours (Décret 177-2020), lequel est, encore jusqu’à maintenant, renouvelé tous les 10 jours. C’est sous cet état d’urgence sanitaire que le gouvernement a encadré par décrets la tenue de manifestations, considérées comme des rassemblements extérieurs. En effet, l’état d’urgence sanitaire donne au gouvernement de nouveaux pouvoirs, tels qu’ordonner la fermeture d’un lieu, la cessation d’une activité ou toute autre mesure jugée nécessaire pour protéger la santé de la population. Le gouvernement n'a pas à tenir de consultations publiques ni de débats pour adopter ces mesures.
La Ligue des droits et libertés appelle le gouvernement à mettre fin à l'état d'urgence sanitaire depuis mai 2021. La gouvernance par décret ne doit pas être un état permanent et provoque une rupture démocratique. Il est temps de déconfiner la démocratie. Pour en savoir plus, lisez la déclaration appuyée par plus de 100 organisations!
Au fil des décrets, les normes encadrant les rassemblements intérieurs (dans les maisons, les commerces, etc.) et extérieurs (pour les espaces publics par exemple) ont été resserrées ou assouplies selon l’évolution de la pandémie.
À partir du 20 mars 2020, les rassemblements extérieurs ont été permis seulement si les personnes gardaient une distance de deux mètres entre elles, sauf pour celles qui étaient occupantes d’une même résidence (Décret 222-2020). C’est dire qu’on pouvait manifester, tant qu’on gardait une distance de deux mètres, sauf si on demeurait sous le même toit. Par ailleurs, malgré un discours gouvernemental semant la confusion, il n’y avait pas de limite quant au nombre de personnes pouvant se rassembler.
Des règles beaucoup plus strictes ont été prévues pour les lieux intérieurs puis, à partir du 22 mai 2020, pour les lieux extérieurs privés (par exemple, les cours arrière) (Décret 543-2020). Le 26 juin 2020, des restrictions ont été imposées quant au nombre de personnes permises dans les lieux intérieurs et dans les établissements, entreprises ou organismes ainsi que les évènements culturels, sportifs et de culte. Les règles des autres rassemblements extérieurs sont demeurées inchangées (Décret 689-2020).
Jusque-là, on peut présumer que les manifestations ont fait l’objet des mêmes règles que tout autre type de rassemblement extérieur dans les lieux publics, comme les pique-niques dans les parcs. Le 23 juillet 2020, il a été annoncé par le gouvernement que tous ces rassemblements seraient limités à 250 personnes (Services Québec). Puis, le décret du 5 août 2020 a imposé de lourdes obligations pour les organisateurs et organisatrices de rassemblements : s’assurer que les lieux permettent le maintien d’une distance de deux mètres, en informer les participant-e-s, prendre des mesures pour le faire respecter et mettre fin au rassemblement si le maintien de la distanciation n’est plus possible (Décret 817-2020).
À la fin de l’été 2020, ces sévères obligations et la limite de 250 participant-e-s ne s’appliquaient pas lorsque les personnes rassemblées « [exerçaient] leur droit de manifester pacifiquement » (Décret 817-2020). C’est dire que pour la première fois depuis le début de la pandémie, le gouvernement a prévu des règles plus souples pour les manifestations que pour tout autre rassemblement extérieur : seule la règle de distanciation de 2 mètres est restée applicable, sauf pour les personnes résidant ensemble.
Puis, à partir de septembre 2020, dans les régions au stade d’alerte orange, le nombre de personnes pouvant se rassembler dans les lieux publics est passé de 250 à 25 personnes. En zone rouge, les rassemblements extérieurs ont été complètement interdits (sauf exceptions), mais cette restriction n'était toujours pas applicable aux manifestations (Arrêté 2020-068; Décret 1020-2020).
C’est dire que depuis septembre 2020, il n’y a pas de limite au nombre de manifestant-e-s pouvant être rassemblés.
Depuis mars 2020, la distanciation sociale est obligatoire pour les rassemblements extérieurs incluant les manifestations, à moins d’être occupant-e-s d’une même résidence (Décret 222-2020). Pendant longtemps, la distanciation imposée en contexte de manifestation était de deux mètres. Le 10 juillet 2021, cette distanciation est réduite à un mètre (arrêté 2021-053).
Le port du couvre-visage était obligatoire durant une grande partie de la pandémie. D'abord, de la mi-juillet à la fin septembre 2020, l’obligation de porter le couvre-visage n’était pas applicable aux lieux extérieurs publics (Décret 810-2020), bien que son usage soit recommandé par la santé publique. Il était obligatoire seulement dans les lieux publics fermés, tels que les commerces ou les restaurants. La CDPDJ a d’ailleurs évalué que les atteintes portées aux droits fondamentaux causées par le port du masque obligatoire sont justifiées par la nécessité de la santé publique (CDPDJ).
C'est à partir du 30 septembre 2020 que l’obligation de porter le couvre-visage a été imposée aux manifestations dans l’ensemble du Québec. Les organisateurs et organisatrices avaient par ailleurs la responsabilité d’informer les participant-e-s de cette obligation (Décret 1020-2020).
Durant des mois en zone rouge à l'hiver 2020-2021, les rassemblements extérieurs étaient ainsi complètement interdits, mais les manifestations pouvaient avoir lieu, tant que les participant-e-s portaient le masque et respectaient la distanciation sociale.
L'obligation de porter le masque durant les manifestations a été renouvelée une dernière fois le 23 juin 2021 (décret 885-2021). Le 10 juillet 2021, l'obligation de porter le couvre-visage durant les manifestations est abrogée. Il n'est donc plus obligatoire de le porter depuis.
C'est dire que depuis juillet 2021, on n'est plus obligé de porter le couvre-visage durant une manifestation, mais la distanciation sociale d'un mètre est toujours obligatoire.
Depuis le début de la pandémie, le non-respect des règles de rassemblement peut entraîner une intervention policière et la remise d’un constat d’infraction de 1546$ (1000$ d’amende + 546$ de frais) (Loi sur la santé publique). Rappelons que si une personne est reconnue coupable de cette infraction, le constat d’infraction est une dette monétaire qui n’entraîne pas de casier judiciaire.
Les règles de distanciation sociale qui ont encadré les manifestations pendant la pandémie n’ont pas empêché les manifestant-e-s de déferler dans la rue. Le Québec a connu des vagues de manifestations durant l’été et l’automne 2020, entre autres pour réagir à la mort de George Floyd et de Jacob Blake aux mains de policiers américains, pour dénoncer des violences sexuelles, pour s'opposer au port du masque ou encore pour dénoncer le racisme systémique suite au décès de Joyce Echaquan à Joliette.
Selon les informations publiées dans les médias, des constats d'infractions ont été remis durant quelques manifestations, notamment à Rimouski, Montréal et Québec. Un rapport publié en mars 2022 par l'Observatoire des profilages a révélé qu'entre le 21 septembre 2020 et le 3 octobre 2021, 1 518 constats d'infraction pour non-respect des mesures sanitaires pendant des manifestations ont été émis (Fortin et al.).
Restons vigilant-e-s!
Depuis le 23 septembre 2021, les manifestations sont interdites à une distance de 50 mètres de certains lieux de santé et d'éducation. C'est une restriction inquiétante au droit de manifester qui est dénoncée par la Ligue des droits et libertés.
C'est par un processus accéléré que l'Assemblée nationale a adopté la Loi établissant un périmètre aux abords de certains lieux afin d'encadrer les manifestations en lien avec la pandémie de la COVID-19. Cette loi vise certaines manifestations spécifiques, soit celles « en lien avec les mesures sanitaires [...], la vaccination contre la COVID-19 ou toute autre recommandation relative à la pandémie de la COVID-19 » (article 1).
Il est depuis interdit de manifester, d'organiser ou même d'inciter à organiser une manifestation à moins de 50 mètres des lieux suivants :
La seule exception prévue permet les manifestations en lien avec les conditions de travail du personnel de ces lieux.
La sanction prévue est de 1 000$ à 6 000$. La Loi est en vigueur pour 30 jours et peut ensuite être prolongée à tous les trente jours et ce, jusqu'à la fin de l'état d'urgence sanitaire.
La Ligue des droits et libertés a vivement dénoncé cette loi car elle porte atteinte de façon injustifiée aux libertés d'expression et de réunion pacifique protégées par nos Chartes. Pour en savoir plus, visionnez cette vidéo diffusée le 5 octobre 2021 ou consulter la Foire aux questions de la LDL.