Les libertés d’expression et de réunion pacifique, comme tous les droits protégés par nos chartes, peuvent être limitées dans certaines circonstances.
À titre d’exemple, la Cour suprême a jugé constitutionnelle la disposition du Code criminel pénalisant la propagande haineuse, même si cette infraction porte atteinte à la liberté d’expression. En effet, elle a estimé que l’impératif social consistant à prévenir les effets néfastes de la propagande haineuse sur les personnes ciblées était très important et justifiait de limiter ainsi la liberté d’expression. Bref, de telles restrictions sont autorisées par les chartes canadienne et québécoise si elles sont raisonnables et justifiées dans une société libre et démocratique.
La Cour suprême a élaboré en 1986 un test détaillé dans la décision R c. Oakes. Une atteinte à un droit ou à une liberté pourra être jugée justifiée si l’objectif poursuivi par le législateur est urgent et réel dans une société libre et démocratique, et si le moyen choisi, soit la mesure restrictive, est bien conçu pour atteindre cet objectif. C’est à l’État, dans ce cas-ci les autorités municipales, que revient le fardeau de prouver que l’atteinte est justifiée. La Cour suprême exige une preuve « forte et persuasive » et répète souvent que de vagues généralisations ne suffisent pas.
Les éléments que les autorités doivent prouver à cette étape sont les suivants :
- L’objectif de la restriction se rapporte à des préoccupations urgentes et réelles dans une société libre et démocratique.
- Le moyen choisi est raisonnable et justifié. Ce critère de proportionnalité comprend trois volets :
- La mesure adoptée n’est ni arbitraire, ni inéquitable, ni irrationnelle;
- La mesure adoptée est celle qui porte le moins atteinte aux droits;
- Les effets bénéfiques de la mesure sont plus importants que ses effets préjudiciables.
La Cour d’appel dans l'arrêt Bérubé a établi que ce test doit être appliqué de façon particulièrement rigoureuse quand la liberté d’expression est en jeu, en raison de son « importance sociale et [de sa] fonction privilégiée comme instrument et pilier de l’ordre démocratique » (paras 78-80). Il en va de même pour la liberté de réunion pacifique. Ainsi, si un doute persiste à savoir si la restriction est justifiée, les tribunaux doivent conclure en faveur de ces libertés.