De multiples stratégies de mobilisation et de contestation militantes, politiques ou judiciaires peuvent être déployées pour s’opposer et contester les règlements municipaux qui répriment le droit de manifester. Découvrez ici celles employées à Montréal pour contester le Règlement sur la prévention des troubles de la paix, de la sécurité et de l’ordre public, et sur l’utilisation du domaine public, mieux connu sous « règlement P-6 ». Ces stratégies pourraient servir d’exemples à partir desquels les militant-e-s peuvent élaborer leurs propres stratégies.
L’ancêtre du règlement P-6 a été adopté en 1969, précisément pour limiter le droit de manifester à l’époque. Au plus fort de la grève étudiante en 2012, P-6 a été modifié pour interdire le port du masque (article 3.2.), rendre obligatoire la divulgation préalable du lieu et de l’itinéraire (article 2.1.) et augmenter considérablement le montant des amendes (article 7).
Des années de mobilisation ont mené à l’abrogation complète de P-6 en novembre 2019 (Radio-Canada). Pour y arriver, les stratégies ont été multiples. D’abord, des centaines de manifestant-e-s ont défié P-6 dans la rue pendant des années, en continuant à manifester sans fournir d’itinéraire ou en couvrant leurs visages.
Des stratégies politiques ont aussi été mises en œuvre, telles que :
- Des campagnes de lettres, des lettres ouvertes et des communiqués de presse publiés par des organisations communautaires, militantes et syndicales;
- La création de coalitions contre P-6;
- La documentation de l’utilisation de P-6 par les forces policières durant les manifestations au cours des années. La LDL a notamment récolté des témoignages de manifestant-e-s et comptabilisé les interventions policières de 2012 à 2015 (LDL, 2013 ; LDL, 2015).
Dans le forum judiciaire, les manifestant-e-s se sont défendu-e-s et sont passé-e-s à l’offensive de différentes façons, soit par :
- La contestation collective de leurs constats d’infraction, souvent avec succès. 83% des constats remis en vertu de P-6 entre 2012 et 2014 ont mené à un acquittement, un arrêt des procédures ou un retrait (LDL, 2015). Plusieurs manifestant-e-s se sont autoreprésenté-e-s, avec le soutien de collectifs militants et d’associations étudiantes. Une victoire en février 2015 devant la Cour municipale de Montréal a été décisive dans la lutte contre P-6 (Thibeault-Jolin). Elle a mené au retrait de plus de 2 000 constats d’infraction par la Ville de Montréal (Le Devoir ; Radio-Canada).
- La contestation constitutionnelle des nouvelles dispositions de P-6. Victoire : la Cour du Québec a invalidé en 2016 l’interdiction du port du masque (Villeneuve), puis la Cour d’appel du Québec a invalidé en 2018 l’obligation de fournir le lieu et l’itinéraire aux autorités (Villeneuve). Puis en 2019, c’est l’obligation de fournir l’itinéraire, la date et l’heure de la manifestation d’un règlement de la Ville de Québec qui est invalidée (Bérubé);
- Le dépôt d’une quinzaine de recours collectifs pour exiger des dommages-intérêts pour les manifestant-e-s arrêté-e-s dans des arrestations de masse et rendre les autorités imputables de leurs actions. Ces recours ont été autorisés par les tribunaux (voir par exemple Lord);
- Le dépôt de plaintes pour profilage politique à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ) pour trois manifestations au cours desquelles la police avait fait des arrestations de masse. La CDPDJ a donné raison aux plaignant-e-s en reconnaissant le profilage politique dont ils et elles ont fait l’objet par le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) et les représente devant le Tribunal des droits de la personne dans une poursuite contre la Ville de Montréal et le SPVM (LDL, Communiqué).