Luttons contre les entraves au droit de manifester !
Les règlements municipaux contiennent habituellement des dispositions interdisant ou encadrant l’affichage dans l’espace public. Celui de Montréal, par exemple, ne permet l’affichage que sur les babillards prévus à cet effet. Le règlement de Sherbrooke, quant à lui, interdit d’afficher sur un poteau situé dans l’espace public, à moins d’avoir obtenu une autorisation au moins 13 semaines avant la date prévue de l’affichage.
Le règlement de Val-d’Or semble interdire spécifiquement la pose d’affiches invitant les gens à participer à une manifestation ou à un rassemblement. En effet, l’article 8 de ce règlement interdit de prononcer des discours, de vendre des brochures et « d’étaler toute enseigne qui a pour effet de rassembler une foule ou un nombre de personnes sur la chaussée ou le trottoir qui entrave la circulation des véhicules routiers ou le passage des piétons ».
L’affichage et les libertés d’expression et de réunion pacifique
La Cour suprême a répété à plusieurs reprises que les moyens d’expression simples, comme l’affichage, la distribution de dépliants ou les messages sur internet, constituent des moyens de communication efficaces et relativement peu coûteux. L’affichage est souvent et ce, depuis des siècles, le seul moyen pour les citoyen-ne-s de s’informer ou de communiquer des messages de nature politique, culturelle et sociale (Guignard, 2002).
La liberté d’expression protège le contenu du message, tout autant qu’elle protège le véhicule de transmission du message comme la langue, l’affichage, la distribution de tracts, le boycottage, le piquetage et la manifestation (Irwin Toy, 1989). Poser des affiches est donc un droit constitutionnel.
L’interdiction d’afficher est-elle constitutionnelle ?
Ce droit n’est pas absolu : les tribunaux ont décidé que ce droit pouvait faire l’objet de certaines restrictions règlementaires. Les municipalités sont en droit de prendre des mesures contre la pollution visuelle et la présence de déchets dans les rues. Il en va du maintien d’un milieu de vie agréable pour les citoyen-ne-s, a jugé la Cour suprême (Guignard, 2002 ; Ramsden, 1993).
Cependant, les restrictions au droit d’afficher sur le mobilier urbain doivent être raisonnables et ne doivent en aucun cas équivaloir à des interdictions absolues. L’exemple suivant illustre bien ce point.
En 1994, dans le but de se conformer aux enseignements de la Cour suprême, la Ville de Montréal a modifié son règlement pour permettre l’affichage sur des babillards désignés à cette fin. Un militant accusé d’avoir posé des affiches annonçant la tenue du Salon du livre anarchiste a contesté avec succès ce règlement.
La Cour d’appel a jugé que de tels babillards devaient être installés dans tous les quartiers de la ville, et ce, en nombre suffisant. Si, comme c’était le cas à Montréal, le nombre de postes d’affichage est insuffisant ou s’ils sont situés dans des endroits peu accessibles au public, cela équivaut à une interdiction contraire aux obligations imposées par les chartes (Singh, 2010).
La Cour suprême a également décidé que l’interdiction d’afficher un message politique dans l’espace public est inconstitutionnelle (Greater Vancouver, 2009). La commission de transport de Vancouver avait refusé de diffuser sur ses autobus les publicités à caractère politique d’une fédération étudiante, au motif que les directives autorisaient la publicité commerciale, mais pas la publicité politique.
Cette interdiction a pour conséquence, selon la Cour, d’exclure de l’espace public une forme d’expression très importante en démocratie, l’expression politique. Elle a donc conclu que les directives en cause brimaient la liberté d’expression et n’étaient pas justifiées dans une société libre et démocratique.