La Charte des droits et libertés de la personne du Québec interdit la discrimination et le profilage basés sur les convictions politiques. Cela signifie que le droit de manifester dans l’espace public ne peut pas être limité ou entravé en raison de la cause des opinions politiques exprimées et défendues dans le contexte d’une manifestation.
La définition du profilage politique retenue par la Ligue des droits et libertés (LDL) s’inspire de la définition du profilage racial de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ). Le profilage politique, c’est :
« Toute action prise par une ou des personnes en situation d’autorité à l’égard d’une personne ou d’un groupe, pour des raisons de sûreté, de sécurité ou de protection du public, qui repose sur des facteurs tels que l’opinion politique, les convictions politiques, l’allégeance à un groupe politique ou les activités politiques, sans motif réel ou soupçon raisonnable, et qui a pour effet d’exposer la personne à un examen ou un traitement différent.
Le profilage politique inclut aussi toute action de personnes en situation d’autorité qui appliquent une mesure de façon disproportionnée sur des segments de la population du fait, notamment, de leurs opinions ou leur convictions politiques, réelles ou présumées » .
Un exemple de profilage politique
Le profilage politique, c’est par exemple quand un service de police applique de manière différente une loi ou un règlement, se montre plus répressif lors des manifestations qui expriment des convictions politiques jugées moins « légitimes », alors qu’il sera plus tolérant à l’égard d’autres manifestations. Les convictions politiques des manifestant-e-s sont alors l’un des facteurs qui influencent la décision du service de police, que ce soit intentionnel ou pas.
À Montréal, le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) a appliqué de manière différenciée l’obligation de divulguer l’itinéraire prévue au Règlement P-6. Rappelons que cette obligation qui n’est plus en vigueur aujourd’hui avait été adoptée le 18 mai 2012 par le conseil municipal de Montréal.
Dans son rapport intitulé Manifestations et répressions, la LDL a répertorié 139 manifestations où aucun itinéraire n’était divulgué entre 2013 et 2014 à Montréal. Le SPVM a décidé de tolérer la grande majorité d’entre elles (116) et de ne faire aucune intervention policière. Ces manifestations portaient sur des causes comme le logement et l’assurance emploi.
Toutefois, le SPVM a décidé de réprimer plusieurs manifestations (23) au motif de la non-divulgation de l’itinéraire. Les manifestations réprimées étaient liées aux mouvements contre la brutalité policière, anticapitaliste, étudiant ou écologiste, des causes que la police perçoit comme moins « légitimes ». Dans plusieurs cas, les policiers ont fait des arrestations de masse par encerclement avant même que la manifestation n’ait commencé ou dans les premières minutes.
Pendant ces années, une vaste coalition de groupes militants, d’associations étudiantes, d’organisations de défenses des droits, communautaires et syndicales ont dénoncé à plusieurs reprises le deux poids, deux mesures du SPVM dans l’application du Règlement P-6. Ces groupes et organisations revendiquaient l’abrogation complète du Règlement P-6, obtenue après plusieurs années de luttes, en 2019.
Le profilage politique – et toute forme de profilage discriminatoire – est une pratique illégale. Malgré la gravité des violations des droits et libertés qui en découlent, à ce jour, aucune autorité policière ou politique au Québec n’a reconnu l’existence du profilage politique.
La lutte pour la reconnaissance politique et juridique du profilage politique continue !
Porter plainte pour profilage politique
Les personnes qui estiment avoir fait l’objet de profilage politique par des forces de l’ordre peuvent porter plainte individuellement ou collectivement à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ). Pour plus d’informations sur ce recours, visitez la page Recours en cas d’abus policiers du site Web.
En 2021-2022, un premier dossier de plaintes collectives pour profilage politique s’est rendu devant le Tribunal des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Toutefois, en mars 2022, les plaignant.e.s ont décidé de se désister du recours.
Ces plaintes avaient été déposées à la CDPDJ suite à des arrestations massives lors des trois manifestations suivantes : la manifestation annuelle contre la brutalité policière du 15 mars 2013, la manifestation écologiste, anticapitaliste et anticolonialiste contre l’inversion du pipeline de la Ligne 9-B d’Enbridge du 10 octobre 2013 et la manifestation annuelle contre la brutalité policière du 15 mars 2015. La police avait alors utilisé le règlement P-6 pour réprimer les manifestations.
La Ligue des droits et libertés (LDL), le Réseau québécois des groupes écologistes (RQGE) et le Conseil central du Montréal métropolitain (CCMM-CSN) ont respectivement appuyé ces plaintes.