Organiser ou participer à une manifestation peut entraîner de nombreux questionnements, notamment quant aux interactions avec les corps policiers avant et pendant la manifestation. Dans tous les cas, voici un rappel de quelques principes généraux utiles si vous communiquez avec les forces policières avant la manifestation :
- Les libertés d’expression et de réunion pacifique constituent des droits fondamentaux et des piliers de notre démocratie, dont l’exercice est protégé par les chartes canadienne et québécoise;
- Toutes les formes de manifestations sont protégées par nos chartes, incluant les manifestations spontanées, surprise et sans organisateur ou organisatrice, ce qui a été confirmé par différents jugements des tribunaux;
- L’espace public est le lieu central d’expression de nos opinions, il est normal que notre manifestation dérange.
Les récentes décisions des tribunaux, notamment la Cour d’appel du Québec dans Villeneuve en 2018 et Bérubé en 2019, vous donnent des arguments convaincants et substantiels pour faire valoir vos droits. Vous pourriez par exemple envoyer une copie de ces jugements au corps policier concerné. Voici quelques éléments de ces jugements que vous pourriez utiliser :
- Bérubé reconnaît que les rues, les trottoirs et les places ne servent pas seulement à la circulation, mais aussi à l’exercice de la liberté de réunion pacifique;
- Selon Bérubé, les manifestations spontanées ou surprises, ainsi que les manifestations sans organisateur ou organisatrice identifié-e, sont aussi protégées par nos Chartes;
- Les jugements Bérubé et Villeneuve concluent que les exigences préalables telles que l’obtention d’un permis ou l’obligation de divulguer aux autorités l’itinéraire sont inconstitutionnelles et invalides;
- L’interdiction de porter un masque ou de se couvrir le visage durant une manifestation a été invalidée dans Villeneuve parce qu’elle porte atteinte de façon injustifiée aux libertés d’expression et de réunion pacifique;
- Comme les juges le soulignent dans Bérubé, il est pratiquement impossible pour les participant-e-s aux manifestations de vérifier si les exigences réglementaires ont été respectées.
Collaborer ou non avec les services policiers?
Comme organisateur ou organisatrice de manifestation, vous n’avez pas l’obligation de collaborer ou de dialoguer avec les corps policiers. Certains groupes organisateurs choisissent de collaborer avec les services policiers, alors que d’autres s’y refusent : ces deux options sont aussi valables l’une que l’autre.
Connaître les obligations imposées par les règlements municipaux de votre municipalité pour l’organisation et la tenue de manifestations est toutefois essentiel. Les sections précédentes abordent des arguments spécifiques à huit entraves au droit de manifester qui se retrouvent dans de nombreux règlements municipaux à travers le Québec. Ces arguments politiques et juridiques peuvent être utilisés lors de vos discussions avec les services policiers.
Il vous revient ensuite de décider si vous acceptez de respecter les obligations, qu’elles soient préalables à la manifestation ou pendant celle-ci, ou encore de les défier. Connaître la tolérance et les pratiques policières spécifiques à votre municipalité est alors utile : vous pourriez discuter avec les autres groupes ou personnes dans votre réseau à cette fin.
Vous pourriez par exemple discuter et décider à l’avance si vous êtes prêt-e-s à faire face aux conséquences possibles de défier les obligations réglementaires : déclaration d’illégalité et dispersion de la manifestation, contestation des constats d’infraction ou mise en œuvre d’autres stratégies pour s’y opposer.
Au-delà des obligations imposées par les règlements municipaux, l’organisation d’une manifestation peut occasionner différentes interactions avec les corps policiers. Dans certaines municipalités, des policiers et policières appellent, écrivent ou vont cogner à la porte des organisateurs et organisatrices de manifestations pour obtenir des informations qui vont au-delà des obligations réglementaires.
Vous n’avez alors aucune obligation légale de répondre aux questions de la police : vous avez le droit au silence en tout temps et vous avez l’obligation de vous identifier seulement si vous êtes détenu-e ou en état d’arrestation (voir la page Droits des manifestant-e-s).
Le choix de dialoguer ou non avec les services policiers vous revient. Il est toutefois judicieux d’informer les personnes ou les instances concernées de votre groupe afin de prendre des décisions éclairées et de se protéger.