Les définitions de la désobéissance civile et de l’action directe varient, mais elles partagent des éléments communs. La désobéissance civile peut inclure toute action menée en contravention avec une norme légale dans le but de dénoncer son caractère illégitime. L’action directe dénonce et vise à faire cesser une situation, une décision, une politique ou un projet par un moyen d’action qui s’avère illégal (par exemple, s’enchaîner à une structure, empêcher l’accès à un site, bloquer une route, installer un campement sur un terrain privé).
Face à plusieurs enjeux sociaux et politiques actuels tels que la crise climatique, les abus policiers ou les inégalités sociales, des manifestant-e-s choisissent de recourir à la désobéissance civile ou à l’action directe pour faire valoir leurs opinions politiques et tenter de changer l’ordre établi.
Généralement, les personnes qui ont recours à ces moyens d’action sont conscientes des risques de judiciarisation. Elles sont aussi prêtes à en assumer les conséquences, telles que la remise d’un constat d’infraction ou une accusation pour une infraction criminelle (par exemple pour complot, méfait, entrave au travail des policier-e-s ou introduction par effraction). L’arrestation, le débat judiciaire et l’espace médiatique peuvent alors être des tribunes pour faire valoir leurs points de vue.
Historiquement, de nombreuses lois liberticides ont été modifiées avec succès à la suite d’actions de désobéissance civile. Pensons aux mouvements contre la ségrégation raciale ou pour les droits des femmes. De nombreux projets destructeurs pour l’environnement ont aussi été stoppés par des campagnes de mobilisation qui incluaient bien souvent des actions directes.
La défense de nécessité
Pour se défendre devant les tribunaux, les activistes peuvent plaider l’inconstitutionnalité de la loi ou du règlement en vertu duquel ils et elles ont été arrêté-e-s. Mais il existe aussi un moyen de défense qu’il est possible d’utiliser autant pour contester un constat d’infraction que pour se défendre d’une accusation criminelle : la défense de nécessité (Lallier).
Il est alors admis que l’infraction a été commise, mais qu’il était nécessaire de la commettre face à un danger imminent. Afin de présenter une défense de nécessité avec succès devant un tribunal, trois éléments doivent être réunis (Latimer ; Primus ; Perka) :
- un danger imminent;
- l’absence d’autres solutions raisonnables et légales pour contrer ce danger;
- la proportionnalité entre le mal infligé et le mal évité – autrement dit, le mal infligé est moindre que le mal qui a été évité.
Les tribunaux canadiens se sont très rarement prononcés sur la défense de nécessité précisément pour des actions directes ou de désobéissance civile (Tremblay ; Environmental Law Center). En effet, ce sont pour des infractions liées à la conduite automobile que la défense de nécessité a été soulevée le plus souvent devant les tribunaux, par exemple pour une urgence médicale (Kelendji).
La Cour du Québec a toutefois rejeté cette défense dans le cas d’un manifestant accusé d’entrave au travail des policier-e-s qui avait refusé de se disperser lors d’un blocage devant une usine de magnésium. L’accusé aurait été acquitté s’il avait uniquement commis un méfait en bloquant l’entrée de l’usine et ne s’était pas débattu lors de l’arrestation (entrave). Par contre, l’analyse est intéressante quant aux dangers suscités par la pollution causés par les organochlorés et quant au fardeau de la preuve d’un accusé qui invoque la défense de nécessité (Lanthier, para. 45 à 41).
La défense de nécessité a été plaidée avec succès en Grande-Bretagne pour acquitter des activistes dès 2008, puis plus récemment en 2019 (Kaminski). Aux États-Unis, la défense de nécessité a permis à des militant-e-s d’être acquitté-e-s d’accusations criminelles suite à des actions directes ou de désobéissance civile portant sur des enjeux variés : l’apartheid, la prolifération nucléaire, le SIDA, la pollution de l’air et plus récemment, les changements climatiques (Kormann). En 2019, la Cour d’appel de Washington a acquitté en appel une personne accusée de cambriolage pour avoir fermé une valve du pipeline Kinder Morgan accueillant la défense de nécessité face aux changements climatiques (Mayer ; Ward ; Environmental Law Center).